jeudi 12 mai 2016

Je suis une naine de jardin

Je vous écris sur le porche de mon cabanon de jardin à Seattle. Mes prochaines nuits, c'est ici que je les passerai, dans une "shed" située dans la cour arrière d'un sympathique couple à l'affûté pouce vert.

Mais avant de vous parler de Seattle, laissez-moi faire un bref retour en arrière sur mes derniers jours à Vancouver.




Se gourer en voyage, c'est un incontournable. Ça remet les pendules à l'heure, ça aiguise et peaufine le sens du bourlingueur. Capilano Bridge, ça vous dit quelque chose ? L'attraction la plus visitée en Colombie-Britannique, parole de ma mère ! Un pont suspendu d'une longueur dont je n'ai de souvenir, des plateformes de bois nichées dans la canopée d'une forêt tropicale située à moins de 10 minutes à l'extérieur de Vancouver et des navettes gratos pour s'y rendre. J'aurais dû le flairer. Ça sentait le piège à touriste à 100 milles nautiques à la ronde. Pourtant non, j'ai plongé.

Après avoir traversé le pont suspendu à quelques reprises, question d'amortir le coût d'entrée (prix du billet divisé par le nombre de traversée effectué, calcul carrément futile qui permet tout de même de déjouer l'exarcébation de l'inconscient), j'ai pris mes jambes à mon cou et les ai mises à bon escient dans le quartier de Gastown, un bled jadis ouvrier, aujourd'hui revitalisé et conservé dans son état d'origine, façades de brique rouge, rues pavées de pierres, locaux industriels convertis en café... et en bar, notamment celui qui propose la plus impressionnante sélection de bières de micro-brasserie à Vancouver. Son petit nom, l'Alibi Room.

Allez Bouthillier, t'es capable

Ceci dit, entrer dans un bar, dans une ville étrangère, seule de surcroît, ça prend une certaine dose de courage. Je suis passée à deux ou trois reprises devant l'enseigne du bar le plus hip à Vancouver avant de finalement faire une femme de moi.

I'll take a seat at the bar please.

Armée (au sens figuré) de mon t-shirt d'extravertie, comme mon hôte Airbnb s'amuse à le qualifier, les doigts (et les orteils) croisés, espérant tomber sur à tout le moins un voisin de comptoir intéressant avec qui échanger quelques mots et boire quelques bonnes bières, j'ai fait une entrée absolument pas remarquée et c'est tant mieux ainsi.

À ma gauche, un couple. Je syntonise leur fréquence et réalise rapidement que ce sont des locaux sur le point de quitter. Pas de chance. Je porte donc mon attention sur la droite. Un homme seul, visiblement dans la quarantaine, mignon garçon aux cheveux grisonnants. Ça commence bien. Quelques minutes plus tard, après que j'aie commandé ma bière et mes fèves edamames, il sort son guide touristique de Vancouver. Bingo, un touriste qui voyage solo comme moi. Je viens de mettre la main sur une perchaude de qualité supérieure. Je lui adresse quelques mots et lorsqu'il me rétorque, il m'assène son plus bel accent britannique. Je craque. Je ne sais pas pour vous, mais moi les accents, TOUT particulièrement celui du royaume de sa majesté la Reine, je ne m'en lasse pas. L'effet est grisant. Est-ce la profondeur sonore que j'y perçois, l'élégance intarissable de cette langue ? Est-ce mon amour pour les mots et leurs sonorités qui me rend à ce point sensible aux plaisirs linguistiques ? Je ne saurais dire. Le Portugais brésilien et sa musicalité possède ce même charme vibratoire. Bien en selle sur mon tabouret, j'ai donc laissé mon interlocuteur du banc d'à côté m'emplir les oreilles de sa partition sémantique. Un double plaisir ce fut : celui de la conversation et de l'écoute, au sens acoustique du terme. Sympathique soirée qui a pris son envol par un lumineux lundi soir, mais qui ne s'est pas terminée là.

Après m'être assurée que l'hameçon était bien pris dans les branchies de ma perchaude baltique, j'ai commencé à mouliner en lui proposant de m'accompagner, le soir suivant, pour un souper dans rien de moins que LE meilleur restaurant indien en Amérique du Nord. Il a mordu à l'hameçon de façon définitive. L'affaire était ketchup. J'avais, contre toute attente, un accompagnateur pour cette sortie qui était au top de ma liste. Et ce fut un succès gastronomique !

J'ai mis le cap sur Seattle aux aurores mercredi matin, les yeux encore embrumés, et ai posé mes pénates dans la ville émeraude quelques heures plus tard. Sujet d'un prochain billet.

samedi 7 mai 2016

Vancouver, la belle et la bête

Il y a cinq ans, mon amant fut le Brésil. Aujourd'hui, c'est pour Vancouver, le séduisant, le désinvolte, l'émeraude, que mon cœur papillonne.

Voilà trois heures que j'ai jeté l'ancre dans English Bay, sur le seawall qui borde et entoure l'océan de ses bras généreux. Je regarde autour de moi, je suis en mode absorption de données subjectives, j'observe ce qui se passe, la marée qui monte, les paquebots qui se bercent en attendant une place au port, les peupliers brocolis si densément feuillus qu'ils obliquent à peine sous l'effet de la brise, et bien sûr, un peu cliché, mais vrai et émouvant, le soleil qui flotte au-dessus de l'eau attendant lui aussi, tout comme les paquebots, le moment prévu pour atterrir. Il est 20:00.

Aujourd'hui, j'ai exploré la ville à bord d'un "cruiser" bleu turquoise avec Paulo, le biologiste marin, désigner graphique et guide touristique (je reviendrai plus tard sur le pourquoi des trois métiers). D'autres cyclistes nous accompagnaient, mais comme ils n'ajoutent rien à l'histoire, inutile de gaspiller plus que ces quelques mots sur eux !

Alors revenons à Paulo.  Une encyclopédie sur deux roues.  Il ne vous balance pas tout bêtement son arsenal de données dans la tronche, il vous raconte des histoires. Et ça, à une époque où les véritables conteurs sont en voie d'extinction et l'art de raconter lui-même quasi-uniquement utilisé à des fins commerciales, et bien, ça n'a pas de prix.  J'affirme avec conviction m'être couchée moins ignorante ce soir.

Le drame de la métropole

On a tous entendu parler de l'inflation qu'a connue Vancouver ces dernières années.  Ceci dit, rien de tel que quelques chiffres pour en prendre la cruelle mesure.  Les prix de l'immobilier ont gimpé en flèche, rendant l'accession à la propriété pratiquement impossible.  Ceci explique cela : alors qu'on devrait dans un budget équilibré consacrer 30 à 35% de nos revenus à l'hébergement, les résidents de Vancouver eux y consacrent en moyenne 80%.  Vous comprenez maintenant pourquoi Paulo n'a d'autres choix que de se farcir trois emplois pour réussir à payer les 2000$ que lui coûtent ses 300 pieds carrés d'espace de vie... La prochaine fois que j'en entends un se plaindre au Québec, je le shippe illico sur la côte ouest.

Pour riposter à cette impitoyable explosion, des nouveaux modèles d'hébergement ont fait leur apparition, des coopératives pour la plupart. Par exemple, les maisons centenaires de l'élégant quartier de West End ont été converties en coops d'habitation "abordables", selon les standards vancouverois.  Vu de loin, on se dit "belle initiative, témoignage de la pensée avant-gardiste qui prévaut à Vancouver". Seulement, Paulo nous confie que cela va bientôt faire 10 ans qu'il est sur la liste d'attente pour joindre l'une de ces coopératives. Idem pour les nombreux petits lopins de terre que la ville met à la disposition des citoyens pour jardiner. Il entre dans sa huitième année d'attente. Vancouver est une ville idyllique, mais imparfaite à plusieurs égards. L'écart entre les plus nantis et ceux que Paulo appelle affectueusement les "economically challenged" est devenu rien de moins qu'un canyon.  Downtown Eastside en est le parfait exemple.  Pendant que des jeunes asiatiques se promènent en voiture de luxe sur Robson street, downtown Eastside voit sa population décupler chaque automne.  Des centaines de "coach car" débarquent à Vancouver année après année, bondés d'estropiés de toute sorte, fuyant l'hiver qui s'installe sur le reste du pays, sauf à Vancouver, seule ville qui ne produit de victimes de la saison froide.

Le drame de ses habitants

J'ai le flair pour les âmes en mal d'amour propre, les éclopés qui en ont lourd sur le cœur. Ou en fait, c'est peut-être le contraire, eux qui flairent mon oreille ouverte et ma nature compatissante. Chaque fois que je me pose - un banc de parc, un siège au bar dans un "dinner" - c'est immanquable. Quelqu'un s'installe à mes côtés et quelques minutes plus tard, le récit de sa vie défile en cinérama sur le bout de comptoir que nous partageons.

Spencer, le type au lourd passé kharmique qui tente de s'en sortir en mangeant plus de légumes que de fruits (sur ordonnance de sa naturopathe) et en suivant la voie de la libération que lui enseigne son "guru" spirituel.

Ou encore Kelly, l'américain-russo-aborigène qui revient à Vacouver après avoir habité 16 ans en Asie.  Auteur-compositeur-interprète, ingénieur de son, sous-chef, ancien snowboarder de haut calibre (il a fait plus dans ses 39 année de vie que ce que je prévois faire dans mes quelques prochaines), mais surtout papa d'un bambin de deux ans et demi qu'il ne voit plus parce sa femme (thaïlandaise) s'est poussée avec leur enfant dès qu'elle a obtenu sa citoyenneté canadienne.  C'est malheureusement un phénomène fort répandu ici me dit-on.  Entre deux gorgées de café, il maudit notre système judiciaire et comprend ceux qui pètent leurs plombs et décident de se faire eux-mêmes justice.

Je vous jure, je trouve mon quotidien et mon parcours dramatiquement banals lorsqu'ils me racontent les leurs. Certains les qualifieraient de loser. Moi je les aime ces personnages arc-en-ciel.  Je les écoute et je suis rassurée de savoir que la diversité humaine se porte bien.

mercredi 4 mai 2016

La vie à bord et l'épique jour 3




À mesure que les heures avancent, on s'approprie davantage les lieux, on parcoure le train de bout en bout d'un pas affirmé.  Les sourires entre voyageurs se font plus francs, les amitiés éphémères se tissent, on se donne plus facilement et plus fréquemment rendez-vous au bar en après-midi (ou en fin d'avant-midi pour les Australiens, les Français, les Anglais et moi - 3 peuples et une Québécoise). Un microcosme fascinant de familiarité se forme sur le champ pour mieux se dissoudre à destination.

Les repas sont au voyage en train longue distance ce que Galarneau est à notre planète. Le point d'ancrage de la vie à bord.  Tout s'organise en périphérie de ces moments de rassemblement où les rencontres se renouvellent sans cesse et les conversations s'improvisent au gré des convives et de la rumeur quotidienne qui fraye son chemin à travers le vaisseau sur roues qui nous transporte d'un point kilométrique vers l'autre.

Parce qu'ici, pas de connexion aux "interweb". On est, pour notre plus grand plaisir (ou plus grand damn, ça dépend de quel type vous êtes), coupé du monde que l'on traverse et réduit à s'alimenter du moment. Une île en mouvement qui s'abreuve des rapports d'événements anodins qui, comme vous pouvez l'imaginer, ont la côte à bord.

Aucune notion précise du temps non plus. La mesure du temps ici, ce sont les paysages qui défilent, les soleils levants qui se succèdent et les nuits enveloppantes qui vous la dictent.  Un peu à la façon des peuples anciens pour qui la position du soleil et l'étoile polaire étaient des repères infaillibles.

Jour 3
L'épique jour 3 du périple en train. LA raison première pour laquelle on choisit de faire ce voyage plutôt qu'un autre.  Départ d'Edmonton en matinée, les Rocheuses nous accueillent au royaume des sommets enneigés en début d'après-midi, avec un court arrêt dans le village de Jasper, le coquet quoique touristique.  Comble du bonheur, tous les éléments se sont mis de la partie pour nous offrir une journée divine.  Soleil mur à mur, 25 degrés et la chance d'apercevoir la cime du Mont Robson, le plus haut sommet des Rocheuses qui d'ordinaire a la tête dans les nuages (il n'est visible que 12 à 15 jours par année). Tsé quand tu mènes une bonne vie !

Le jour 3, c'est un peu comme le fudge fondant au chocolat qui trône sur votre sundae. Décadent de beauté pour les aficionados des montagnes qui, comme moi, préfère la nature élevante aux étendues sablonneuses.  C'est une question de feeling, comme dirait Fabienne Thibeault.  Une question de personnalité aussi.

Pour terminer la journée, les plus sociables (et sympathiques) d'entre nous se donnent rendez-vous dans la voiture panoramique pour le préambule au souper : une dégustation de vin avec en toile de fond les vallées verdoyantes qui bordent la rivière Fraser (can it really get better than that ?).  Absence totale d'entrave au bonheur.  Les langues se délient, les rires sont gras et de bon cœur. On se regarde et on sait la chance inouïe que l'on a d'être ici, maintenant, tout simplement.  Et c'est exactement ce sentiment que je garderai dans mon baluchon et trimballerai avec moi, en souvenir de ces derniers jours.

N.B. : Je m'étais promise d'éviter toute forme de chialage pour les prochaines semaines, mais je dois vous partager un irritant majeur depuis mon départ. Il me faudrait être en état de contemplation permanente (épuisante tâche !!) pour réussir à capter sur le vif les clichés dignes d'intérêt. 9 fois sur 10, je lève la tête, vois une rivière, un pâturage, un ours (que j'ai réussi à confondre avec une vache alors que je ne portais pas mes lunettes - really Bouthillier ?!) attrape mon appareil, pointe le viseur par la fenêtre et pif paf pouf, le paysage n'est plus qu'un vague souvenir laissé en pan par le train qui poursuit sa course sans égard pour ses passagers avides.

lundi 2 mai 2016

Il y a une première fois pour tout

Première nuit à bord du "Canadien"

Il est 22:30. Les bagages sont rangés et le repérage des lieux amorcé.  Je suis en train d'échanger quelques mots avec mes voisines lorsqu'un visage se pointe dans l'étroite embrasure de ma porte de cabine.  C'est Graham, le responsable de ma voiture, la 113.  Il nous présente les fonctionnalités de base du 5 pieds carrés dans lequel nous passerons les 4 prochains jours : cuvette, vanité, lit rétractable, ventilation.  Foutrement astucieux. Maximisation de l'espace oblige, l'aménagement des cabines s'inspire en tous points du récent courant architectural, le "tiny house design" qui, en plus de rendre ces micros espaces fonctionnels, les dotent d'une fenestration généreuse.  Vous ne faites plus qu'admirer les forêts clairsemées et les ciels bleu pétrole, vous êtes dans la forêt, vous ÊTES l'épinette et le cumulo-nimbus.




Graham termine son pitch sur une note béton. Il s'assure de me laisser savoir que mon identité sur ce train est connu.  "Yeah, we know who you are Mrs. Bouthillier".  Entre partenaires de la même industrie, les nouvelles voyagent vites et le souci de bien servir ses compères est source de fierté.



Mon œil assoupi lorgne la nuit étoilée à travers le hublot grandeur nature.  Par moment, la voiture crache des cris stridents qui font sursauter.  Le frottement des roues de métal sur la voie ferrée.  Question d'habitude.

Première matinée

La cuisine et le soleil émergent en simultanée aux aurores. Les conversations bourdonnent en salle à manger, aux tables avoisinantes surtout.  À la mienne, des convives peu loquaces entretiennent un silence inconfortable : un couple asiatique qui évite clairement toute forme de contact et un dude nonchalant, lourd du pas, du type fond-de-culotte-au-raz-des-pâquerettes.  

Focus sur tes deux œufs, saucisse, Bouthillier !

Gary, le directeur de service, me confiera en soirée que depuis l'introduction plus soutenue des spéciaux chez Via, la clientèle a muté. Sans être contre la démocratisation de ce type de voyage ordinairement onéreux, il déplore la trop grande mixité des passagers dont les valeurs, l'éthique et les comportements sont diamétralement opposés. Pas toujours un heureux mélange dit-il, et surtout, des situations parfois difficiles à gérer.  Pour lui, chacun sa place et tous s'en porteront mieux. D'ordinaire, j'aurais entrepris un plaidoyer pour l'équipe adverse, par pur plaisir de jouer l'avocat du diable. Mais je suis en vacances.  J'ai laissé Céline, l'insurgée, à la maison.

Aussitôt le déjeuner terminé, je quitte ma tablée molle et m'installe dans la voiture dôme (elle porte bien son nom, elle et les 360 degrés de vision panoramique qu'elle offre).  J'entends pour la première fois depuis mon départ quelques balbutiements français au loin.  Je tends l'oreille.  Ça jase train, horaire, infrastructure.  Je m'approche et m'immisce dans la conversation pour finalement me rendre compte que mon octogénaire d'interlocteur travaille au musée ferroviaire de Saint-Constant et s'implique activement chez Transport 2000.  Michel Belhumeur, un militant du TC et fervent abonné des consultations publiques de l'AMT. Je ne le connais pas, mais je suis persuadée que certains de mes collègues, oui.  Décidément, chassez le boulot et il revient au galop.

Première bouffée d'air (frais, c'est discutable) à Hornepayne : village désertique, royaume du pick-up et du poteau de Pise

Rien de notable à signaler, à l'exception d'une chose. Notre passage, aussi soudain et bref soit-il, doit certainement faire rouler l'économie. Le train se remet en route et nous poursuivons notre chemin à travers cet Ontario profond et, avouons-le, passablement ennuyeux.  Nous lui aurons consacrer plus de 24 heures sur un périple qui en durera 84. L'Ontario, c'est la "big mama" du Canada.

Vivement Winnipeg !

samedi 30 avril 2016

Dans trois, deux, un... ça roule

Kerouac en poche, Fortin dans les oreilles, je regarde défiler les brindilles dorées en périphérie de ce qui fut jadis le projet d'une nation (et de ses quelques 15 000 poussières asiatiques) : l'imposant chemin de fer du Canadien Pacifique.

Après avoir cassé les oreilles de mes amis et collègues pendant quatre mois, c'est aujourd'hui que le futur prend son envol.  Je troque le Saint-Laurent pour le Pacifique à coup de 80 km à l'heure.  Faites le calcul : dans 84 heures, j'atteindrai l'autre rive, 1ère étape de mon (court) périple sur la côte Ouest.

Lorsqu'il est question de voyage, comme plusieurs d'entre vous sans doute, je privilégie toujours les ailleurs éloignés à ceux de la porte d'à côté.  L'appel de l'exotisme, je présume. Cette fois-ci, l'appel du pays l'a emporté.

Ce sera un voyage de l'intérieur, au sens propre et figuré puisque mené en solo.

Un voyage de circonstances aussi, né de l'alignement du hasard et de conditions favorables.

Mais surtout, le bon voyage au bon moment.

Sans surprise, la faune qui voyage par voie ferrée est assez homogène, comme en témoigne les amas de ouates blanches qui surplombent ici et là le "lounge" de Toronto.  La meilleure astuce pour changer de paysage à l'occasion ? Opter pour le dernier service au souper, celui de 20:30.

Embarquement imminent chers amis
À tout bientôt

dimanche 4 septembre 2011

Arts gravitationnels


Jamais n'ai-je eu l'impression que mon monde gravitait autant autour des arts...

Le mur de la ma chambre s'est transformé ce matin en une muraille tâchée d'encre et d'idées, mon salon en un garde-manger d'époque, des pots Masson alignés sur le sol, vides, attendant la corruption de leur translucidité. Rien n'est plus tout à fait clair lorsque l'on accepte au quotidien la pensée comme agent d'expansion. La réalité et la fiction se bousculent soudainement, embrouillant les conceptions qui peuplent notre esprit, celles du moins que l'on avait choisi de faire crever dans le stoïcisme.

Les voilà qu'elles prennent leur revanche en saupoudrant un peu de matière créative dans mon esprit. Au cours des prochaines semaines, des petits bouts de papier déchiquetés rempliront l'espace vacant de ces bocaux initialement destinés à conserver la matière comestible. Ceux qui siègent actuellement au conseil du "living room" serviront plutôt à conserver la matière créative, grise et arc-en-ciel à la fois, intellectuelle à la recherche d'une colline enneigée pour débutant, question d'éviter les trop rudes chutes.

Et puis viennent les après-midi. Ceux qui nous servent d'échauffements, qui développent la connaissance par le biais de l'observation du travail de l'autre plutôt qu'à travers les écrits lui étant consacrés.

Mettre le manger mou au placard pour s'attaquer à la cuisse de boeuf cru que l'on lorgne depuis quelques mois.

Comme aujourd'hui par exemple, où j'ai enfin mis les pieds à l'Arsenal, nouvel espace chéri de l'art contemporain à Montréal, dont on dit grand bien depuis le printemps dans les médias. D'abord hypnotisée par des toiles du peintre Pierre Dorion. Des masses de couleur lumineuses superposées l'une sur l'autre, qui lorsqu'observées suffisamment longtemps, donnent l'impression d'un cliché photographique traduit en abstraction picturale. Une scène modifiée, calquée dans sa forme, dénudée dans son sujet, ne conservant que l'essence même de ce qui rend notre environnement visible à l'oeil, la lumière et son spectre. Puis plus loin, il y eut Isabelle Hayeur, artiste qui sert l'angoisse aux aqua et ablutophobes sur un plateau ballottant. Ses photographies, mi aqueuses mi terrestres, trônent à l'entrée de la galerie René Blouin. Tant d'interprétations possibles ici, je ne m'y aventurerai pas sans piolet, ni crampon. Le résultat serait trop amateur. Au nombre des artistes qui m'ont bien plu, on ajoute aussi Pascal Grandmaison et Nicolas Baier.

L'après-midi se termina sur la terrasse d'un petit café dans Villeray, un Lapouge en main pour épicer cette journée tirant à sa fin.

Et finalement, il y aura les soirées consacrées à mon deuxième emploi du temps une fois l'hymne du 9 à 5 terminé, celui de responsable des communications pour le festival Art Souterrain édition 2012. C'est cette semaine que j'envahirai leur enclos, niché à la galerie SAS, de mon enthousiasme survolté et, avouons-le, sans doute un peu apeurant pour les autres collaborateurs. Frénésie bénigne au sens de crinqué, un atout indéniable lorsqu'il s'agit d'interagir avec des artistes narcissiques. Question d'équilibre entre intervenants pour une meilleure gestion des 130 artistes qui berceront mes couchers de soleil pour les 7 prochains mois.

L'hiver sera palpitant !

lundi 8 août 2011

Maggie et Ken

Pour hier, merci mon ami
Festin de réflexions improvisées
Plats bien chauds
Idées fraîches nées sur des étendues verdoyantes
Euphories intellectuelles cueillies au marché des jours perturbés
Envie fracassante d'une tête sur le mur
Pour qu'enfin sonne le glas des éveils vivifiants

On poursuit

Palissade de brins oscillants
Terre d'accueil de nos atterrissages créatifs
Inspiration à l'horizontal
Ascension du regard vers le bleu
La collision est inévitable, enivrante
Perte de repères sur fond de Maggie
Paroles télégraphiques
Discrètes
À deux pas de la rumeur intime des cordes grattées

Choix édifiant que cette envie soudaine en lieu et place d'une soirée en conserve
"Manger du spaghetti n'aura jamais été aussi peu banal"
A-t-il soudainement lancé
Étoile filante attrapée au passage
Tous les prétextes sont bons pour se propulser dans l'univers de la création
Bocaux alignés
Idées compartimentées
Éclosion en continu
Résultat d'une incongruité émotive
L'implosion est personnelle
Livrée à froid, délivrée du froid
Croissance latérale
Rien à voir avec la psycho-pop bon marché
Yeux écarquillés dans l'attente
Assassin est notre auto-jugement
Pourtant
Il ne vient pas cette fois-ci

Plaisir coupable que de consommer le dernier recueil de poésie de Maggie Roussel.
"Les Occidentales"
J'ai décidé de vous en épargner la critique, optant plutôt pour un exercice de style à son image qui, entendons-nous, n'est en rien aussi maîtrisé que les pages de l'auteur original. Pour le simple plaisir d'exercer le verbe couché. Inspiration tirée d'une charmante soirée en plein air avec mon incubateur d'idées et le moulin des nonnes.

Extraits véritables

dimanche 19 juin 2011

Rien de plus nécessaire que le souffle - prologue

Je m’appelle Fanchon
Je fais partie du 33e régiment.

J’y suis depuis peu, errant le jour dans les couloirs aseptisés de la nécessité, et le soir dans les tranchées tantôt jouissives, tantôt obsessives de l’instabilité. Mes quartiers n’ont rien des lits douillets connus jadis, des provinces insouciantes où je posais le pied avec confiance. Ici le sol s’émeut avec véhémence. Le territoire offre un visage renouvelé chaque matin où les parcelles mouvantes de terre mouillée donnent naissance à des îlots porteurs de voix atmosphériques. Les compatriotes s’y plaisent. Compréhensible. Ils y ont posés leurs uniformes et leurs ballots bien avant moi. Ce sont des habitués de ces inhospitalières contrées. Ils ont appris à inspirer l’appréhension et à en expirer la tension, car ici, rien n'est plus nécessaire que le souffle. Respirer, c’est tenter de définir les contours insaisissables des mystères qui se terrent en silence, qui vous balancent sans avertissement des grenades à la figure, des éclats brillants d’incertitude qui vous tuent et vous ressuscitent tout à la fois. Respirer, c’est regarder son ennemi droit dans les yeux.

dimanche 5 juin 2011

Éloge de l'amour

Saint-Augustin a dit...

"La mesure de l'amour, c'est aimer sans mesure"

Et à cela j'aimerais rajouter
Aller mettre le nez dans...

"Éloge de l'amour" de Jean-Luc Godard
"Éloge de l'amour" d'Alain Badiou

dimanche 29 mai 2011

Contenant en l'honneur de contenu

Espèce : ouvrages écrits
Caractéristiques : emprunt de savoir, subtilisation d’information, appropriation de notion et renversement émotif
Lieu d’habitat naturel : bibliothèques

À la manière d’une enveloppe qui incarne son contenu, la question de la conception des bibliothèques a toujours été objet d’émulation entre architectes rêvant de façonner l’habitacle des plus grands chefs-d’œuvre littéraires : Clair-obscur d’un printemps verdoyant, superposition de matières nobles, ligne de fuite à en perdre la vue. Ces grands artistes de l’organisation spatiale ont toujours tenté d’imbriquer l’une dans l’autre les pièces maîtresses de leurs rêves éveillés dans le but de favoriser le mouvement incessant d’allées et de venues qui ressuscitent les mots.

L'actualité présentait ce mois-ci un reportage sur les plus impressionnantes bibliothèques de par le monde. Trois d'entre elles retiennent mon attention.
Pourquoi ? C'est une question de feeling (à entendre au sens musical si ça vous chante :o)

Celle d'Alexandrie, construite sur ce qu'il paraît être l'ancien site de la fameuse bibliothèque d'Alexandrie à l'époque de l'antiquité.












Celle de Rio, d'influence portugaise bien évidemment













Celle de Dublin, devant laquelle je suis passée il y a plus de 14 ans.
















Ce reportage m’a aussi permis d’apprendre un nouveau mot : rhombicuboctaèdre

Que les plus malins dans la salle, ceux qui savaient déjà ce qui signifiait ce mot, se prononcent !

samedi 30 avril 2011

Chronique brésilienne, la fin

La dernière étape de mon périple : Lençois. Un village niché dans le Parc du Chiapada Diamanta. Admirablement bien conservé, habité d’une âme paisible. Le pas est lent, l’air empli de douceur. Un village qui a atteint ses années de maturité, et qui aujourd’hui profite de sa retraite au soleil, au pied des montagnes. Lençois a appris à faire don de soi sans attendre en retour. J’en garde un souvenir bien chaud. Des paysages de roc et de verdure qui me réconcilient avec mon escapade plus ou moins réussie à Morro de Sao Paulo. Confirmation de ma prédisposition naturelle à la nature élevante plutôt qu’aquatique. Lençois, c’est aussi le lieu de ma rencontre avec Moreno, un Brésilien originaire de Natale dans le nord du Brésil. Plaisir inégalé que de partager une journée d’excursion en sa compagnie, dans l’unilinguisme parfois cocasse du Portuglais. Je confie à Moreno que le Brésil m’a beaucoup touchée, émue, que j’y laisse un fragment de mon cœur. Il me dit que si c’est le cas, l’inverse est tout aussi proportionnel. « Si tu quittes avec le Brésil dans ton cœur, c’est qu’il te garde dans le sien, lui aussi ».

Lençois, ce fut aussi une soirée de capoeira. Une roda formée de bambins capoeristes en devenir et de leurs professeurs, joueurs accomplis et inspirants. Agilité d’hommes baraqués, beaux dans leur aisance et leur force. Les Brésiliens sont beaux, très beaux. Dans leur attitude. D’une charmante désinvolture qui offre désarmante proximité et humour. Leur gestuelle incarnée, la vélocité que prend leurs mots à mesure qu’ils avancent dans votre espace, qu’ils se fondent en vous, les yeux emplis de sincérité, invitant au plaisir d’interminables après-midis de discussion. Des entretiens qui à la manière des chansons brésiliennes, prennent possession de votre cœur l’espace d’un instant pour ne plus jamais le quitter. On a envie de les remercier pour le cadeau qu’ils nous offrent. Mais si on les remerciait, ils ne comprendraient sans doute pas puisque pour eux, c’est si naturel d’être ainsi. C’est un peu comme remercier quelqu’un d’être ce qu’il est. La différence et l’exception est dans l’œil de celui qui regarde et non de celui qui offre.

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai remis les pieds en terre natale. Mais aussi avec un sentiment de chance inouïe. Assise sur mon balcon cet après-midi, j’observe l’interaction humaine. Les poignées de main sont franches, mais distantes. C’est calme, peu d’enfants dans la rue… Je cherche les regards des passants, ne serait-ce que pour offrir un hochement de tête, un salut de la main, quelques mots partagés, mais nada. Aucun coq ne m’a réveillée ce matin, je n’ai pas entendu d’interminables suites cacophoniques, gracieuseté des automobilistes Brésiliens. Cette réconfortante trame sonore qui en était venue à faire partie de la symphonie matinale qui accompagnait chaque levée de soleil à Salvador, partie de mon éveil à la beauté brésilienne.

lundi 25 avril 2011

Chronique brésilienne en périphérie de Salvador

Escapade à Morro de Sao Paulo pour fêter le ti-Jésus. Je trouve une petite pousada, une des seules qui a encore quelques chambres de libre en ce weekend férié. L’une des propriétaires me dit qu’elle est à Salvador. Elle me propose de faire le chemin avec elle. Une route qu’elle dit utilisée par les locaux uniquement, dont le prorata temps-coût est apparemment beaucoup plus avantageux que le traditionnel catamaran qui vous fait vomir vos entrailles (sans blague). Pourquoi pas ? On apprécie l’effort de l’hôte pour son invité. Exubérante et très loquace Zulima, originaire d’Espagne, me tient compagnie. C’est bien mais j’ai besoin d’un peu d’espace et de silence. Je lui fais comprendre gentiment. Après 5 heures (qui ne devaient qu’en être 2 selon ses dires), nous sommes sur le point de mettre pied sur l’île. Bon, le paradis m’attend à ce qu’on m’a dit. J’inspire donc et je laisse filer ce que je sens être l’émergence d’une certaine impatience.

Le paradis ????? Pas pour bibi. On repassera. Morro, c’est un joli cliché, une carte postale qu’on enverrait à maman. Sans plus. Sans compter l’appétit soutenu et la préférence de nos amis moustiques pour la cuisine fusion, celle des « estrangeiros ». Le terroir, ils n’en ont rien à foutre eux. Hence, je serai leur plat de résistance durant mon séjour. Je vous laisse imaginer les effets désastreux que ce festin a laissés.

Je rencontre 2 danoises d’une cinquantaine d’années au souper. Froidement sympathiques, stoïques et blondes bien évidemment. Tout est dans la mesure, la retenue, le bâton fraie son chemin jusque dans le cou. Dur, dur d’être danoise. Nous discutons de tout sauf de nos professions respectives. Nos impressions sur le Brésil, la croissance économique du pays et ses effets pervers, nos passions, nos dernières lectures.

L’une d’elle, Britta (pas pu m’empêcher d’avoir l’image d’un pichet d’eau limpide et inodore quand elle m’a dévoilée son nom) a un drôle de passe-temps. Elle collectionne les histoires d’amour, les vraies, les drames politico-amoureux, ceux que l’on pleure à l’échelle internationale. Sérieusement burlesque son affaire. Elle m’en raconte quelques-unes. Je la complimente. Ses histoires, elle les raconte bien. Elle me dit que c’est l’amour qui l’a guidée jusqu’à cette habileté. ”If you want your lover to maintain his interest in you, you need to be a good storyteller. Otherwise, he’ll go away”. Hmmm, ça m’évoque l’histoire de Karen Blixen, romancée par Pollack dans Out of Africa. The Ennglish Patient aussi. Et The Cook, the Thief, his Wife and her Lover. La littérature nous a donné à goûter les plus belles histoires d’amour. En retour, nous lui assurons une place de choix au sommet de la hiérarchie amoureuse. Mise en abîme à sa plus simple expression. L’éveil de la sensibilité à l’autre par les mots. Des ébats amoureux discursifs qui naissent et s’échouent sur la grève narrative.

Nous continuons notre conversation sur la plage, à demi-mots, à mesure que la nuit brésilienne enveloppe les confidences d’étrangères outre-mer.

jeudi 21 avril 2011

Chronique brésilienne à saveur mystique

Cette semaine, plusieurs visites au Pelourinho, un haut-lieu de l’histoire bahianaise, le quartier le plus connu de Salvador classé patrimoine mondial par l’UNESCO. Un quartier aussi urbain qu’historique de par la faune qui l’habite et les bâtiments qui le composent. Ici, les enfants-mendiants vous harcèlent par dizaine, tirant sur vos vêtements, espérant obtenir votre faveur, les capoeristes quittent leur roda pour venir vous serrer la main, et les autres, les nègres ambulants, s’approprient l’espace publique, les porches d’église. C’est aussi des façades arc-en-ciel pâlies par le temps, le soleil et les pleurs qui ont sévi et qui continue de sévir aujourd’hui. Elle ne s’oublie pas l’histoire ici. Elle est partout. En chair et en os, en image et en matière brute. Et que dire des églises. Splendeur déconcertante et inhabituelle. Les visages d’anges sculptés dans la pierre noircie ont un je-ne-sais-quoi de bestial, vociférant leur amertume après avoir trébuché dans la violence et la peur. Beauté dans l’adversité qui impose l’immobilité au passant. Les intérieurs, baroques essentiellement, ont en commun ce qu’on appelle des azulejos, des mosaïques de carrelage mural peint à la main, presqu’uniquement en bleu et blanc. Hasardeuse chance. La veille, j’avais amorcé ma lecture de « Images du nordeste mystique en noir et blanc » de Roger Bastide, un reportage littéraire à la sauce anthropologique traitant des traditions religieuses brésiliennes. Il y explique l’art de l’azujelaria tel qu’exploité au Brésil avec l’arrivée des portugais et des esclaves africains. Bastide est un conteur d’un naturel déconcertant et poétique, à la plume si finement aiguisée qu’elle tatoue ses mots sur votre cœur tuméfié. C’est beau, tellement beau. Le premier chapitre m’a laissée sans voix.

Presque failli assister à un candomblé cette semaine. Heureusement, en discutant avec des locaux, on m’a informée que ce n’était que poudre aux yeux, simulacre théâtral pour les touristes avec un grand T qui s’en remettent corps et poches à des agences suffisamment rusées pour en profiter. Selon les règles qui prévalent dans les religions afro-brésiliennes, aucun candomblé ne peut se pratiquer au cours de la semaine sainte précédent Pâques. Spectacle religieux à l’odeur âcre, monté de toute pièce. J’attends donc la venue des prochains jours pour me dénicher un candomblé dans toute sa splendeur et sa véracité.

L’automne de Salvador et l’hiver de Vivaldi m’accompagnent ce soir. De toutes les saisons bahianaises, c’est l’automne qui entraîne le plus de nostalgie chez les Brésiliens me dit-on. La pluie s’installe comme un mal nécessaire, comme une chanson triste. Le ciel vous tombe sur la tête à grands torrents comme aujourd’hui. Mais pourquoi donc vous parler de cela ? Peut-être parce que comme dirait Jeunet, c’est l’angoisse du temps qui passe qui nous fait tant parler du temps qu’il fait. Le sablier a déjà franchi la médiane pour moi ici… et j’en soupire.

dimanche 17 avril 2011

Chronique brésilienne, la suite

En discutant avec ma famille adoptive, j’ai réalisé à quel point elle n’a rien à voir avec la pauvreté que je côtoie dans la rue. Foutrement aisée. Lui, Magno, un propriétaire de banque. Elle, Gisele, bibliothécaire au Musée d’art moderne de Bahia. Avec eux vivent leur fille, pratiquement inexistante, la grand-mère (qui, note à part, du haut de ses 4 pieds était fière de lever son gilet à 2 pouces de ma face l’autre jour pour me montrer son nouveau pacemaker… Ta bom Ta bom… ça surprend sur le coup) et la dona-dont-je-ne-sais-pas-le-nom, une fidèle femme à tout faire qui oeuvre dans cette demeure depuis plus de 15 ans. Discrète et souriante. Et comme je me découvre souvent une curiosité pour les personnages d’arrière-scène, les oubliés qui très souvent font que ça roule rond et pas carré, je lui fais la conversation le matin à mesure que j’engouffre les festins matinaux qu’elle me prépare. Elle concocte de ces déjeuners la dona, ouaahhh ! Fruits frais, beignets locaux, gâteau moelleux au beurre et chocolat, fromage, œufs, petits pains, tourte au poulet et j’en passe. Je tente d’aligner quelques mots en portugais en sa compagnie, ma façon très personnelle de la remercier pour le réconfort gustatif apporté par ses plateaux fraîchement sortis du four chaque matin. Langue fourchue et assimilation ardue en cette première semaine. Nao fàcil portugese. Mais j’ai trouvé quelques trucs pour m’octroyer un répit. Exemplo. Lorsque mon cerveau a besoin de mâcher les mots légèrement plus longtemps, je prends une gargantuesque bouchée à même les denrées de mon assiette. Exercice de visualisation lecteurs… c’est bon ? Ok on poursuit. Mon p’tit dej a le dos large. Nourrir la panse et l’esprit. Énergie alimentaire comme moteur de réflexion. Les papilles sécrètent fort. Eu penso, Eu penso.

Qui aurait cru qu’en venant à Salvador, c’est à la rencontre de Rodin et de quelques-unes de ces sculptures que je viendrais. Un travail de titan complexe et incarné, à l’image de l’anatomie humaine. Un raffinement qui dépasse l’entendement. Une pièce a retenu mon attention : Le sculpteur et sa muse, une représentation iconographique de cette relation fusionnelle qui unit le créateur et son inspiration dans sa forme terrestre. Une expo présentée au Palais des Arts de Graça, un véritable « palais » aux influences architecturales jésuites et à la peau couleur de lait. Je glisserai un mot sur comment nous sommes y sommes arrivés : Oito pessoas no taxi. 2 dans le coffre arrière, 4 sur la banquette et 2 sur le siège avant. Je venais tout juste de faire la connaissance d’Eva, une étudiante suédoise de la classe d’à côté et une heure plus tard, j’étais assise sur ses genoux, la tête dans l’windshield. C’est ce qu’on appelle devenir rapidement up close & personal.

Je glisserai également un mot sur ma visite chez un joaillier privé. Les gisements s’exploitent par centaine dans l’état de Bahia et l’extraction des pierres précieuses est une industrie montante extrêmement lucrative au Brésil. Résultat : les prix sont plus qu’abordables et l’histoire du commerçant passionné qui nous reçoit digne d’écoute.

Plusieurs mots sur ma soirée en compagnie de Lamine, Moema et Milo. Moema et Milo, frère et sœur dont la mère est une réputée artiste octogénaire de Bahia, possèdent un appartement cossu qui arrache des « oh !» et des « ah !». 3 cuisines, de l’art mur à mur, des bouquins par centaine et une vue étoilée en cette nuit naissante. Au diable les armoires de cuisine. Ici c’est des walk-ins de vaisselles en porcelaine. Tout ça dans le quartier bohémien de Rio Vermelho où nous avons mangé de la Moqueca préparée par Milo. Profession : cuisinier.

Non mais tsé, t’es bourgeoise ou tu l’es pas !

C'est ainsi que la journée a débuté. Les nuages et le soleil se disputent l’azur pendant que mes orteils se délient à Praia do Farol da Barra. Até logo.

jeudi 14 avril 2011

Chronique brésilienne


Le soleil doit bien amorcer sa lévitation vers les 4h-5h du mat ici. Pas vraiment le choix de suivre parce qu’avec lui se dresse la chaleur aussi, accablante et intransigeante. Et moi, je suis très tolérante à la chaleur… no freaking way ! Pas surprenant que je sois née au Québec… La température, moi j’aime à la manière d’un buffet chinois, dans sa diversité. Un peu de tout et dans le cas qui nous occupe, qu’on savoure brièvement et donc intensément. La monotonie de la chaleur tropicale à longueur d’année, non merci. Je cède ma place à tous ces gringos passés maître dans l’art de faire le crapet soleil sur la carpette de papier sablé adjacente aux étendues émeraude.
Pour les déplacements par contre, ça, j’adopterais bien. Après l’élasticité brésilienne en tête de liste des caractéristiques propres à ce peuple chaleureux mais pas très fiable, vient l’agilité brésilienne.
Se déplacer au Brésil nécessite une agilité toute particulière, un pré-requis plutôt ludique que vous avez tout avantage à maîtriser rapidement si votre survie piétonnière vous importe. C’est un jeu que je me surprends à vouloir jouer. Et plus les jours avancent, plus l’on s’éloigne de l’imitation. On devient une incarnation naturelle de cette agilité. On développe une inconscience active (on pourrait rajouter le devenir brésilien aux théories deleuziennes, qu’en dites-vous M.Poulin).
On alterne, un pied sur le trottoir, un pied dans la rue, tellement les trottoirs sont étroits et semblent contenir les 3 millions d’habitants de Salvador sur un fil de fer.
Et au moment où vous avez réussi à faire votre chemin en parant au coup, à la manière d’un ginga urbain, une voiture vous klaxonne. Vous empiétez sur sa piste de course.
« Relax man » qu’on a envie de lui dire.
Mais on opte pour une alternative issue des mœurs brésiliennes. On lui envoie notre plus beau "thumbs up" et tout bêtement, il se métamorphose en chauffeur-peluche.
Et si en prime, on récite 10 je vous salue Marie ce même soir, alors là, on est absous de tous nos péchés.

lundi 4 avril 2011

Par un après-midi ensoleillé

Rare que je partage des tranches de vie sur ce blogue
Mais ce matin, je me fais plaisir.
L'idée est née hier.
Ken et moi avions décidé d'honorer cette douce journée en plein air.
Force est de croire que le beau temps nous inspira, car de fil en aiguille, nous en sommes arrivés à la composition d'une toute petite chanson, inspirée du moment.
Comme une dose de bonheur que nous voulions insuffler à nos êtres chers.
Certains d'entre vous ont eu droit à une prestation "live" au téléphone.
Pour les autres, la voici

jeudi 31 mars 2011

Réflexions sur le péché, la souffrance, l'espérance et le vrai chemin

Sur recommandation d’un ami, j’ai ajouté à mes modestes rayons littéraires une œuvre de Kafka, souvent oubliée, négligée, ou tout simplement non-citée lorsque vient le temps d’aborder le grand Franz sur les bancs d’école. Pourquoi ? Probablement parce qu’il appartient à cette catégorie de livres qualifiée de recueil, de compilation, pour dire plus contemporain et juvénile. Des écrits inspirés et issus de sombres moments d’illuminations qui à la manière des idées qui frappent notre esprit de manière brève et précise, se doivent d’être mises sur papier au moment où elles émergent… car il est fort à parier qu’elles ne rejailliront pas. Des étoiles filantes.

C’est donc à la lecture de pages étoilées que Kafka nous convie. De courts textes, pas plus de quelques lignes, des pensées qui ressemblent à des pierres que l’on poserait au sol pour tracer son chemin, ou le retrouver si l’on s’en écarte. Les pages invitent à une lecture parcimonieuse, à petites doses, suscitant plutôt la retenue contemplative que la gourmandise. Il m’est arrivée à plusieurs reprises de volontairement laissé passer quelques wagons de métro au temps où je lisais ce livre, simplement pour accueillir la réflexion, la laisser prendre toute la place, intellectuellement et physiquement, dans l’immobilité.

Remercions son ami et éditeur Max Brod d’avoir fait fi des dernières instructions de Kafka, qui avait explicitement demandé à ce que tous ses écrits non-publiés (notamment ceux-ci) ne le soient jamais. Il ne voulait pas en faire offrande à la littérature, voulait qu’ils soient brûlés. Pour ceux qui l’ignoreraient, Kafka était un homme complexe qui jetait un regard plus que sévère sur son œuvre. Difficile pour nous aujourd’hui de le comprendre tant il est une figure marquante de la littérature. Et c’est tout justement sur cet angle que la préface porte un regard.

« Le grand théâtre Kafka, le succès de sa littérature n’existerait pas sans ses sombres coulisses, tous ces petits cahiers où l’homme aux yeux profonds, avec les moyens du bord, trois fois rien, lui-même, bricolait chaque jour ces étonnantes créatures qu’il allait lancer sur la piste, en pleine lumière. C’est là qu’il reste, lui, avec ses grands tourments d’âme dans sa pénombre; il y règne, seul à jamais. Ne faisons pas mine de le comprendre. Nous, le néant n’est pas notre élément. Tâchons déjà de le lire, avec admiration et gratitude. »

C'est donc ce que j'ai fait avec humilité

dimanche 20 mars 2011

Comic Life



Pour ceux qui, tout comme moi, n'ont aucun talent en dessin...

Mais qui se débrouillent pas mal avec un 35mm, voici l'occasion venue de transformer vos photos en BD...

Et de perdre une soirée à "bizouner" dans un nouveau logiciel...


Perdre est un bien grand mot

Plaisir coupable, je me suis bien amusée









Bon...
Je sais que t'as pas accepté que je me serve de ta tronche sur mon blog, mais je suis certaine que tu m'en voudras pas trop ;o)




samedi 19 mars 2011

Un loup aux mille facettes


Une installation qui me parle beaucoup
Un loup à 6 pattes
Recouvert de petits bouts de miroirs inégaux
Laissant sur son passage une traînée de peaux de loups

Artiste ?
Lieu d'exposition ?
Interprétation ?

Je ne vous dis rien... du moins pas tout de suite
Je veux vous entendre
Ça vous touche, vous intrigue, ça évoque, ça provoque une réaction ?

Dites-moi

dimanche 6 mars 2011

Autarky is dead

Seth Godin l'applique au milieu des affaires.
Je crois qu'il est encore plus urgent d'en prendre conscience au niveau social.

" Self sufficiency appears to be a worthy goal.
But it's now impossible if you want to actually get anything done.
All our productivity, leverage and insight comes from being part of a community.
Not apart from it.
The goal is to figure out how to become more dependent, not less "

- Seth Godin -