jeudi 21 avril 2011

Chronique brésilienne à saveur mystique

Cette semaine, plusieurs visites au Pelourinho, un haut-lieu de l’histoire bahianaise, le quartier le plus connu de Salvador classé patrimoine mondial par l’UNESCO. Un quartier aussi urbain qu’historique de par la faune qui l’habite et les bâtiments qui le composent. Ici, les enfants-mendiants vous harcèlent par dizaine, tirant sur vos vêtements, espérant obtenir votre faveur, les capoeristes quittent leur roda pour venir vous serrer la main, et les autres, les nègres ambulants, s’approprient l’espace publique, les porches d’église. C’est aussi des façades arc-en-ciel pâlies par le temps, le soleil et les pleurs qui ont sévi et qui continue de sévir aujourd’hui. Elle ne s’oublie pas l’histoire ici. Elle est partout. En chair et en os, en image et en matière brute. Et que dire des églises. Splendeur déconcertante et inhabituelle. Les visages d’anges sculptés dans la pierre noircie ont un je-ne-sais-quoi de bestial, vociférant leur amertume après avoir trébuché dans la violence et la peur. Beauté dans l’adversité qui impose l’immobilité au passant. Les intérieurs, baroques essentiellement, ont en commun ce qu’on appelle des azulejos, des mosaïques de carrelage mural peint à la main, presqu’uniquement en bleu et blanc. Hasardeuse chance. La veille, j’avais amorcé ma lecture de « Images du nordeste mystique en noir et blanc » de Roger Bastide, un reportage littéraire à la sauce anthropologique traitant des traditions religieuses brésiliennes. Il y explique l’art de l’azujelaria tel qu’exploité au Brésil avec l’arrivée des portugais et des esclaves africains. Bastide est un conteur d’un naturel déconcertant et poétique, à la plume si finement aiguisée qu’elle tatoue ses mots sur votre cœur tuméfié. C’est beau, tellement beau. Le premier chapitre m’a laissée sans voix.

Presque failli assister à un candomblé cette semaine. Heureusement, en discutant avec des locaux, on m’a informée que ce n’était que poudre aux yeux, simulacre théâtral pour les touristes avec un grand T qui s’en remettent corps et poches à des agences suffisamment rusées pour en profiter. Selon les règles qui prévalent dans les religions afro-brésiliennes, aucun candomblé ne peut se pratiquer au cours de la semaine sainte précédent Pâques. Spectacle religieux à l’odeur âcre, monté de toute pièce. J’attends donc la venue des prochains jours pour me dénicher un candomblé dans toute sa splendeur et sa véracité.

L’automne de Salvador et l’hiver de Vivaldi m’accompagnent ce soir. De toutes les saisons bahianaises, c’est l’automne qui entraîne le plus de nostalgie chez les Brésiliens me dit-on. La pluie s’installe comme un mal nécessaire, comme une chanson triste. Le ciel vous tombe sur la tête à grands torrents comme aujourd’hui. Mais pourquoi donc vous parler de cela ? Peut-être parce que comme dirait Jeunet, c’est l’angoisse du temps qui passe qui nous fait tant parler du temps qu’il fait. Le sablier a déjà franchi la médiane pour moi ici… et j’en soupire.

3 commentaires:

  1. Le Brésil met le coeur à l'heure.

    Pense à moi si tu visites l'Église baroque du couvent de São Francisco, dans le Pelo : tu y verras le NIHIL SILENTIO VTILIVS et alii.

    ++

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  2. Mais quelle plume ravissante BouBou !

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  3. Bon, histoire de te ramener sur terre pendant que tu trippes là-bas ...
    ICI, dans le Québec pas mystique,... il pleut, il vente, il fait gris ... et froid. En plus, il neige à Québec.
    Alors toi, tu manques TOUT ÇA ! Viens pas pleurer que tu aurais aimé être ici, tu as choisi le sud, VIS avec les conséquences !!!
    (bon voyage ;-)

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