mercredi 4 mai 2016

La vie à bord et l'épique jour 3




À mesure que les heures avancent, on s'approprie davantage les lieux, on parcoure le train de bout en bout d'un pas affirmé.  Les sourires entre voyageurs se font plus francs, les amitiés éphémères se tissent, on se donne plus facilement et plus fréquemment rendez-vous au bar en après-midi (ou en fin d'avant-midi pour les Australiens, les Français, les Anglais et moi - 3 peuples et une Québécoise). Un microcosme fascinant de familiarité se forme sur le champ pour mieux se dissoudre à destination.

Les repas sont au voyage en train longue distance ce que Galarneau est à notre planète. Le point d'ancrage de la vie à bord.  Tout s'organise en périphérie de ces moments de rassemblement où les rencontres se renouvellent sans cesse et les conversations s'improvisent au gré des convives et de la rumeur quotidienne qui fraye son chemin à travers le vaisseau sur roues qui nous transporte d'un point kilométrique vers l'autre.

Parce qu'ici, pas de connexion aux "interweb". On est, pour notre plus grand plaisir (ou plus grand damn, ça dépend de quel type vous êtes), coupé du monde que l'on traverse et réduit à s'alimenter du moment. Une île en mouvement qui s'abreuve des rapports d'événements anodins qui, comme vous pouvez l'imaginer, ont la côte à bord.

Aucune notion précise du temps non plus. La mesure du temps ici, ce sont les paysages qui défilent, les soleils levants qui se succèdent et les nuits enveloppantes qui vous la dictent.  Un peu à la façon des peuples anciens pour qui la position du soleil et l'étoile polaire étaient des repères infaillibles.

Jour 3
L'épique jour 3 du périple en train. LA raison première pour laquelle on choisit de faire ce voyage plutôt qu'un autre.  Départ d'Edmonton en matinée, les Rocheuses nous accueillent au royaume des sommets enneigés en début d'après-midi, avec un court arrêt dans le village de Jasper, le coquet quoique touristique.  Comble du bonheur, tous les éléments se sont mis de la partie pour nous offrir une journée divine.  Soleil mur à mur, 25 degrés et la chance d'apercevoir la cime du Mont Robson, le plus haut sommet des Rocheuses qui d'ordinaire a la tête dans les nuages (il n'est visible que 12 à 15 jours par année). Tsé quand tu mènes une bonne vie !

Le jour 3, c'est un peu comme le fudge fondant au chocolat qui trône sur votre sundae. Décadent de beauté pour les aficionados des montagnes qui, comme moi, préfère la nature élevante aux étendues sablonneuses.  C'est une question de feeling, comme dirait Fabienne Thibeault.  Une question de personnalité aussi.

Pour terminer la journée, les plus sociables (et sympathiques) d'entre nous se donnent rendez-vous dans la voiture panoramique pour le préambule au souper : une dégustation de vin avec en toile de fond les vallées verdoyantes qui bordent la rivière Fraser (can it really get better than that ?).  Absence totale d'entrave au bonheur.  Les langues se délient, les rires sont gras et de bon cœur. On se regarde et on sait la chance inouïe que l'on a d'être ici, maintenant, tout simplement.  Et c'est exactement ce sentiment que je garderai dans mon baluchon et trimballerai avec moi, en souvenir de ces derniers jours.

N.B. : Je m'étais promise d'éviter toute forme de chialage pour les prochaines semaines, mais je dois vous partager un irritant majeur depuis mon départ. Il me faudrait être en état de contemplation permanente (épuisante tâche !!) pour réussir à capter sur le vif les clichés dignes d'intérêt. 9 fois sur 10, je lève la tête, vois une rivière, un pâturage, un ours (que j'ai réussi à confondre avec une vache alors que je ne portais pas mes lunettes - really Bouthillier ?!) attrape mon appareil, pointe le viseur par la fenêtre et pif paf pouf, le paysage n'est plus qu'un vague souvenir laissé en pan par le train qui poursuit sa course sans égard pour ses passagers avides.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire