dimanche 4 septembre 2011

Arts gravitationnels


Jamais n'ai-je eu l'impression que mon monde gravitait autant autour des arts...

Le mur de la ma chambre s'est transformé ce matin en une muraille tâchée d'encre et d'idées, mon salon en un garde-manger d'époque, des pots Masson alignés sur le sol, vides, attendant la corruption de leur translucidité. Rien n'est plus tout à fait clair lorsque l'on accepte au quotidien la pensée comme agent d'expansion. La réalité et la fiction se bousculent soudainement, embrouillant les conceptions qui peuplent notre esprit, celles du moins que l'on avait choisi de faire crever dans le stoïcisme.

Les voilà qu'elles prennent leur revanche en saupoudrant un peu de matière créative dans mon esprit. Au cours des prochaines semaines, des petits bouts de papier déchiquetés rempliront l'espace vacant de ces bocaux initialement destinés à conserver la matière comestible. Ceux qui siègent actuellement au conseil du "living room" serviront plutôt à conserver la matière créative, grise et arc-en-ciel à la fois, intellectuelle à la recherche d'une colline enneigée pour débutant, question d'éviter les trop rudes chutes.

Et puis viennent les après-midi. Ceux qui nous servent d'échauffements, qui développent la connaissance par le biais de l'observation du travail de l'autre plutôt qu'à travers les écrits lui étant consacrés.

Mettre le manger mou au placard pour s'attaquer à la cuisse de boeuf cru que l'on lorgne depuis quelques mois.

Comme aujourd'hui par exemple, où j'ai enfin mis les pieds à l'Arsenal, nouvel espace chéri de l'art contemporain à Montréal, dont on dit grand bien depuis le printemps dans les médias. D'abord hypnotisée par des toiles du peintre Pierre Dorion. Des masses de couleur lumineuses superposées l'une sur l'autre, qui lorsqu'observées suffisamment longtemps, donnent l'impression d'un cliché photographique traduit en abstraction picturale. Une scène modifiée, calquée dans sa forme, dénudée dans son sujet, ne conservant que l'essence même de ce qui rend notre environnement visible à l'oeil, la lumière et son spectre. Puis plus loin, il y eut Isabelle Hayeur, artiste qui sert l'angoisse aux aqua et ablutophobes sur un plateau ballottant. Ses photographies, mi aqueuses mi terrestres, trônent à l'entrée de la galerie René Blouin. Tant d'interprétations possibles ici, je ne m'y aventurerai pas sans piolet, ni crampon. Le résultat serait trop amateur. Au nombre des artistes qui m'ont bien plu, on ajoute aussi Pascal Grandmaison et Nicolas Baier.

L'après-midi se termina sur la terrasse d'un petit café dans Villeray, un Lapouge en main pour épicer cette journée tirant à sa fin.

Et finalement, il y aura les soirées consacrées à mon deuxième emploi du temps une fois l'hymne du 9 à 5 terminé, celui de responsable des communications pour le festival Art Souterrain édition 2012. C'est cette semaine que j'envahirai leur enclos, niché à la galerie SAS, de mon enthousiasme survolté et, avouons-le, sans doute un peu apeurant pour les autres collaborateurs. Frénésie bénigne au sens de crinqué, un atout indéniable lorsqu'il s'agit d'interagir avec des artistes narcissiques. Question d'équilibre entre intervenants pour une meilleure gestion des 130 artistes qui berceront mes couchers de soleil pour les 7 prochains mois.

L'hiver sera palpitant !

lundi 8 août 2011

Maggie et Ken

Pour hier, merci mon ami
Festin de réflexions improvisées
Plats bien chauds
Idées fraîches nées sur des étendues verdoyantes
Euphories intellectuelles cueillies au marché des jours perturbés
Envie fracassante d'une tête sur le mur
Pour qu'enfin sonne le glas des éveils vivifiants

On poursuit

Palissade de brins oscillants
Terre d'accueil de nos atterrissages créatifs
Inspiration à l'horizontal
Ascension du regard vers le bleu
La collision est inévitable, enivrante
Perte de repères sur fond de Maggie
Paroles télégraphiques
Discrètes
À deux pas de la rumeur intime des cordes grattées

Choix édifiant que cette envie soudaine en lieu et place d'une soirée en conserve
"Manger du spaghetti n'aura jamais été aussi peu banal"
A-t-il soudainement lancé
Étoile filante attrapée au passage
Tous les prétextes sont bons pour se propulser dans l'univers de la création
Bocaux alignés
Idées compartimentées
Éclosion en continu
Résultat d'une incongruité émotive
L'implosion est personnelle
Livrée à froid, délivrée du froid
Croissance latérale
Rien à voir avec la psycho-pop bon marché
Yeux écarquillés dans l'attente
Assassin est notre auto-jugement
Pourtant
Il ne vient pas cette fois-ci

Plaisir coupable que de consommer le dernier recueil de poésie de Maggie Roussel.
"Les Occidentales"
J'ai décidé de vous en épargner la critique, optant plutôt pour un exercice de style à son image qui, entendons-nous, n'est en rien aussi maîtrisé que les pages de l'auteur original. Pour le simple plaisir d'exercer le verbe couché. Inspiration tirée d'une charmante soirée en plein air avec mon incubateur d'idées et le moulin des nonnes.

Extraits véritables

dimanche 19 juin 2011

Rien de plus nécessaire que le souffle - prologue

Je m’appelle Fanchon
Je fais partie du 33e régiment.

J’y suis depuis peu, errant le jour dans les couloirs aseptisés de la nécessité, et le soir dans les tranchées tantôt jouissives, tantôt obsessives de l’instabilité. Mes quartiers n’ont rien des lits douillets connus jadis, des provinces insouciantes où je posais le pied avec confiance. Ici le sol s’émeut avec véhémence. Le territoire offre un visage renouvelé chaque matin où les parcelles mouvantes de terre mouillée donnent naissance à des îlots porteurs de voix atmosphériques. Les compatriotes s’y plaisent. Compréhensible. Ils y ont posés leurs uniformes et leurs ballots bien avant moi. Ce sont des habitués de ces inhospitalières contrées. Ils ont appris à inspirer l’appréhension et à en expirer la tension, car ici, rien n'est plus nécessaire que le souffle. Respirer, c’est tenter de définir les contours insaisissables des mystères qui se terrent en silence, qui vous balancent sans avertissement des grenades à la figure, des éclats brillants d’incertitude qui vous tuent et vous ressuscitent tout à la fois. Respirer, c’est regarder son ennemi droit dans les yeux.

dimanche 5 juin 2011

Éloge de l'amour

Saint-Augustin a dit...

"La mesure de l'amour, c'est aimer sans mesure"

Et à cela j'aimerais rajouter
Aller mettre le nez dans...

"Éloge de l'amour" de Jean-Luc Godard
"Éloge de l'amour" d'Alain Badiou

dimanche 29 mai 2011

Contenant en l'honneur de contenu

Espèce : ouvrages écrits
Caractéristiques : emprunt de savoir, subtilisation d’information, appropriation de notion et renversement émotif
Lieu d’habitat naturel : bibliothèques

À la manière d’une enveloppe qui incarne son contenu, la question de la conception des bibliothèques a toujours été objet d’émulation entre architectes rêvant de façonner l’habitacle des plus grands chefs-d’œuvre littéraires : Clair-obscur d’un printemps verdoyant, superposition de matières nobles, ligne de fuite à en perdre la vue. Ces grands artistes de l’organisation spatiale ont toujours tenté d’imbriquer l’une dans l’autre les pièces maîtresses de leurs rêves éveillés dans le but de favoriser le mouvement incessant d’allées et de venues qui ressuscitent les mots.

L'actualité présentait ce mois-ci un reportage sur les plus impressionnantes bibliothèques de par le monde. Trois d'entre elles retiennent mon attention.
Pourquoi ? C'est une question de feeling (à entendre au sens musical si ça vous chante :o)

Celle d'Alexandrie, construite sur ce qu'il paraît être l'ancien site de la fameuse bibliothèque d'Alexandrie à l'époque de l'antiquité.












Celle de Rio, d'influence portugaise bien évidemment













Celle de Dublin, devant laquelle je suis passée il y a plus de 14 ans.
















Ce reportage m’a aussi permis d’apprendre un nouveau mot : rhombicuboctaèdre

Que les plus malins dans la salle, ceux qui savaient déjà ce qui signifiait ce mot, se prononcent !

samedi 30 avril 2011

Chronique brésilienne, la fin

La dernière étape de mon périple : Lençois. Un village niché dans le Parc du Chiapada Diamanta. Admirablement bien conservé, habité d’une âme paisible. Le pas est lent, l’air empli de douceur. Un village qui a atteint ses années de maturité, et qui aujourd’hui profite de sa retraite au soleil, au pied des montagnes. Lençois a appris à faire don de soi sans attendre en retour. J’en garde un souvenir bien chaud. Des paysages de roc et de verdure qui me réconcilient avec mon escapade plus ou moins réussie à Morro de Sao Paulo. Confirmation de ma prédisposition naturelle à la nature élevante plutôt qu’aquatique. Lençois, c’est aussi le lieu de ma rencontre avec Moreno, un Brésilien originaire de Natale dans le nord du Brésil. Plaisir inégalé que de partager une journée d’excursion en sa compagnie, dans l’unilinguisme parfois cocasse du Portuglais. Je confie à Moreno que le Brésil m’a beaucoup touchée, émue, que j’y laisse un fragment de mon cœur. Il me dit que si c’est le cas, l’inverse est tout aussi proportionnel. « Si tu quittes avec le Brésil dans ton cœur, c’est qu’il te garde dans le sien, lui aussi ».

Lençois, ce fut aussi une soirée de capoeira. Une roda formée de bambins capoeristes en devenir et de leurs professeurs, joueurs accomplis et inspirants. Agilité d’hommes baraqués, beaux dans leur aisance et leur force. Les Brésiliens sont beaux, très beaux. Dans leur attitude. D’une charmante désinvolture qui offre désarmante proximité et humour. Leur gestuelle incarnée, la vélocité que prend leurs mots à mesure qu’ils avancent dans votre espace, qu’ils se fondent en vous, les yeux emplis de sincérité, invitant au plaisir d’interminables après-midis de discussion. Des entretiens qui à la manière des chansons brésiliennes, prennent possession de votre cœur l’espace d’un instant pour ne plus jamais le quitter. On a envie de les remercier pour le cadeau qu’ils nous offrent. Mais si on les remerciait, ils ne comprendraient sans doute pas puisque pour eux, c’est si naturel d’être ainsi. C’est un peu comme remercier quelqu’un d’être ce qu’il est. La différence et l’exception est dans l’œil de celui qui regarde et non de celui qui offre.

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai remis les pieds en terre natale. Mais aussi avec un sentiment de chance inouïe. Assise sur mon balcon cet après-midi, j’observe l’interaction humaine. Les poignées de main sont franches, mais distantes. C’est calme, peu d’enfants dans la rue… Je cherche les regards des passants, ne serait-ce que pour offrir un hochement de tête, un salut de la main, quelques mots partagés, mais nada. Aucun coq ne m’a réveillée ce matin, je n’ai pas entendu d’interminables suites cacophoniques, gracieuseté des automobilistes Brésiliens. Cette réconfortante trame sonore qui en était venue à faire partie de la symphonie matinale qui accompagnait chaque levée de soleil à Salvador, partie de mon éveil à la beauté brésilienne.

lundi 25 avril 2011

Chronique brésilienne en périphérie de Salvador

Escapade à Morro de Sao Paulo pour fêter le ti-Jésus. Je trouve une petite pousada, une des seules qui a encore quelques chambres de libre en ce weekend férié. L’une des propriétaires me dit qu’elle est à Salvador. Elle me propose de faire le chemin avec elle. Une route qu’elle dit utilisée par les locaux uniquement, dont le prorata temps-coût est apparemment beaucoup plus avantageux que le traditionnel catamaran qui vous fait vomir vos entrailles (sans blague). Pourquoi pas ? On apprécie l’effort de l’hôte pour son invité. Exubérante et très loquace Zulima, originaire d’Espagne, me tient compagnie. C’est bien mais j’ai besoin d’un peu d’espace et de silence. Je lui fais comprendre gentiment. Après 5 heures (qui ne devaient qu’en être 2 selon ses dires), nous sommes sur le point de mettre pied sur l’île. Bon, le paradis m’attend à ce qu’on m’a dit. J’inspire donc et je laisse filer ce que je sens être l’émergence d’une certaine impatience.

Le paradis ????? Pas pour bibi. On repassera. Morro, c’est un joli cliché, une carte postale qu’on enverrait à maman. Sans plus. Sans compter l’appétit soutenu et la préférence de nos amis moustiques pour la cuisine fusion, celle des « estrangeiros ». Le terroir, ils n’en ont rien à foutre eux. Hence, je serai leur plat de résistance durant mon séjour. Je vous laisse imaginer les effets désastreux que ce festin a laissés.

Je rencontre 2 danoises d’une cinquantaine d’années au souper. Froidement sympathiques, stoïques et blondes bien évidemment. Tout est dans la mesure, la retenue, le bâton fraie son chemin jusque dans le cou. Dur, dur d’être danoise. Nous discutons de tout sauf de nos professions respectives. Nos impressions sur le Brésil, la croissance économique du pays et ses effets pervers, nos passions, nos dernières lectures.

L’une d’elle, Britta (pas pu m’empêcher d’avoir l’image d’un pichet d’eau limpide et inodore quand elle m’a dévoilée son nom) a un drôle de passe-temps. Elle collectionne les histoires d’amour, les vraies, les drames politico-amoureux, ceux que l’on pleure à l’échelle internationale. Sérieusement burlesque son affaire. Elle m’en raconte quelques-unes. Je la complimente. Ses histoires, elle les raconte bien. Elle me dit que c’est l’amour qui l’a guidée jusqu’à cette habileté. ”If you want your lover to maintain his interest in you, you need to be a good storyteller. Otherwise, he’ll go away”. Hmmm, ça m’évoque l’histoire de Karen Blixen, romancée par Pollack dans Out of Africa. The Ennglish Patient aussi. Et The Cook, the Thief, his Wife and her Lover. La littérature nous a donné à goûter les plus belles histoires d’amour. En retour, nous lui assurons une place de choix au sommet de la hiérarchie amoureuse. Mise en abîme à sa plus simple expression. L’éveil de la sensibilité à l’autre par les mots. Des ébats amoureux discursifs qui naissent et s’échouent sur la grève narrative.

Nous continuons notre conversation sur la plage, à demi-mots, à mesure que la nuit brésilienne enveloppe les confidences d’étrangères outre-mer.

jeudi 21 avril 2011

Chronique brésilienne à saveur mystique

Cette semaine, plusieurs visites au Pelourinho, un haut-lieu de l’histoire bahianaise, le quartier le plus connu de Salvador classé patrimoine mondial par l’UNESCO. Un quartier aussi urbain qu’historique de par la faune qui l’habite et les bâtiments qui le composent. Ici, les enfants-mendiants vous harcèlent par dizaine, tirant sur vos vêtements, espérant obtenir votre faveur, les capoeristes quittent leur roda pour venir vous serrer la main, et les autres, les nègres ambulants, s’approprient l’espace publique, les porches d’église. C’est aussi des façades arc-en-ciel pâlies par le temps, le soleil et les pleurs qui ont sévi et qui continue de sévir aujourd’hui. Elle ne s’oublie pas l’histoire ici. Elle est partout. En chair et en os, en image et en matière brute. Et que dire des églises. Splendeur déconcertante et inhabituelle. Les visages d’anges sculptés dans la pierre noircie ont un je-ne-sais-quoi de bestial, vociférant leur amertume après avoir trébuché dans la violence et la peur. Beauté dans l’adversité qui impose l’immobilité au passant. Les intérieurs, baroques essentiellement, ont en commun ce qu’on appelle des azulejos, des mosaïques de carrelage mural peint à la main, presqu’uniquement en bleu et blanc. Hasardeuse chance. La veille, j’avais amorcé ma lecture de « Images du nordeste mystique en noir et blanc » de Roger Bastide, un reportage littéraire à la sauce anthropologique traitant des traditions religieuses brésiliennes. Il y explique l’art de l’azujelaria tel qu’exploité au Brésil avec l’arrivée des portugais et des esclaves africains. Bastide est un conteur d’un naturel déconcertant et poétique, à la plume si finement aiguisée qu’elle tatoue ses mots sur votre cœur tuméfié. C’est beau, tellement beau. Le premier chapitre m’a laissée sans voix.

Presque failli assister à un candomblé cette semaine. Heureusement, en discutant avec des locaux, on m’a informée que ce n’était que poudre aux yeux, simulacre théâtral pour les touristes avec un grand T qui s’en remettent corps et poches à des agences suffisamment rusées pour en profiter. Selon les règles qui prévalent dans les religions afro-brésiliennes, aucun candomblé ne peut se pratiquer au cours de la semaine sainte précédent Pâques. Spectacle religieux à l’odeur âcre, monté de toute pièce. J’attends donc la venue des prochains jours pour me dénicher un candomblé dans toute sa splendeur et sa véracité.

L’automne de Salvador et l’hiver de Vivaldi m’accompagnent ce soir. De toutes les saisons bahianaises, c’est l’automne qui entraîne le plus de nostalgie chez les Brésiliens me dit-on. La pluie s’installe comme un mal nécessaire, comme une chanson triste. Le ciel vous tombe sur la tête à grands torrents comme aujourd’hui. Mais pourquoi donc vous parler de cela ? Peut-être parce que comme dirait Jeunet, c’est l’angoisse du temps qui passe qui nous fait tant parler du temps qu’il fait. Le sablier a déjà franchi la médiane pour moi ici… et j’en soupire.

dimanche 17 avril 2011

Chronique brésilienne, la suite

En discutant avec ma famille adoptive, j’ai réalisé à quel point elle n’a rien à voir avec la pauvreté que je côtoie dans la rue. Foutrement aisée. Lui, Magno, un propriétaire de banque. Elle, Gisele, bibliothécaire au Musée d’art moderne de Bahia. Avec eux vivent leur fille, pratiquement inexistante, la grand-mère (qui, note à part, du haut de ses 4 pieds était fière de lever son gilet à 2 pouces de ma face l’autre jour pour me montrer son nouveau pacemaker… Ta bom Ta bom… ça surprend sur le coup) et la dona-dont-je-ne-sais-pas-le-nom, une fidèle femme à tout faire qui oeuvre dans cette demeure depuis plus de 15 ans. Discrète et souriante. Et comme je me découvre souvent une curiosité pour les personnages d’arrière-scène, les oubliés qui très souvent font que ça roule rond et pas carré, je lui fais la conversation le matin à mesure que j’engouffre les festins matinaux qu’elle me prépare. Elle concocte de ces déjeuners la dona, ouaahhh ! Fruits frais, beignets locaux, gâteau moelleux au beurre et chocolat, fromage, œufs, petits pains, tourte au poulet et j’en passe. Je tente d’aligner quelques mots en portugais en sa compagnie, ma façon très personnelle de la remercier pour le réconfort gustatif apporté par ses plateaux fraîchement sortis du four chaque matin. Langue fourchue et assimilation ardue en cette première semaine. Nao fàcil portugese. Mais j’ai trouvé quelques trucs pour m’octroyer un répit. Exemplo. Lorsque mon cerveau a besoin de mâcher les mots légèrement plus longtemps, je prends une gargantuesque bouchée à même les denrées de mon assiette. Exercice de visualisation lecteurs… c’est bon ? Ok on poursuit. Mon p’tit dej a le dos large. Nourrir la panse et l’esprit. Énergie alimentaire comme moteur de réflexion. Les papilles sécrètent fort. Eu penso, Eu penso.

Qui aurait cru qu’en venant à Salvador, c’est à la rencontre de Rodin et de quelques-unes de ces sculptures que je viendrais. Un travail de titan complexe et incarné, à l’image de l’anatomie humaine. Un raffinement qui dépasse l’entendement. Une pièce a retenu mon attention : Le sculpteur et sa muse, une représentation iconographique de cette relation fusionnelle qui unit le créateur et son inspiration dans sa forme terrestre. Une expo présentée au Palais des Arts de Graça, un véritable « palais » aux influences architecturales jésuites et à la peau couleur de lait. Je glisserai un mot sur comment nous sommes y sommes arrivés : Oito pessoas no taxi. 2 dans le coffre arrière, 4 sur la banquette et 2 sur le siège avant. Je venais tout juste de faire la connaissance d’Eva, une étudiante suédoise de la classe d’à côté et une heure plus tard, j’étais assise sur ses genoux, la tête dans l’windshield. C’est ce qu’on appelle devenir rapidement up close & personal.

Je glisserai également un mot sur ma visite chez un joaillier privé. Les gisements s’exploitent par centaine dans l’état de Bahia et l’extraction des pierres précieuses est une industrie montante extrêmement lucrative au Brésil. Résultat : les prix sont plus qu’abordables et l’histoire du commerçant passionné qui nous reçoit digne d’écoute.

Plusieurs mots sur ma soirée en compagnie de Lamine, Moema et Milo. Moema et Milo, frère et sœur dont la mère est une réputée artiste octogénaire de Bahia, possèdent un appartement cossu qui arrache des « oh !» et des « ah !». 3 cuisines, de l’art mur à mur, des bouquins par centaine et une vue étoilée en cette nuit naissante. Au diable les armoires de cuisine. Ici c’est des walk-ins de vaisselles en porcelaine. Tout ça dans le quartier bohémien de Rio Vermelho où nous avons mangé de la Moqueca préparée par Milo. Profession : cuisinier.

Non mais tsé, t’es bourgeoise ou tu l’es pas !

C'est ainsi que la journée a débuté. Les nuages et le soleil se disputent l’azur pendant que mes orteils se délient à Praia do Farol da Barra. Até logo.

jeudi 14 avril 2011

Chronique brésilienne


Le soleil doit bien amorcer sa lévitation vers les 4h-5h du mat ici. Pas vraiment le choix de suivre parce qu’avec lui se dresse la chaleur aussi, accablante et intransigeante. Et moi, je suis très tolérante à la chaleur… no freaking way ! Pas surprenant que je sois née au Québec… La température, moi j’aime à la manière d’un buffet chinois, dans sa diversité. Un peu de tout et dans le cas qui nous occupe, qu’on savoure brièvement et donc intensément. La monotonie de la chaleur tropicale à longueur d’année, non merci. Je cède ma place à tous ces gringos passés maître dans l’art de faire le crapet soleil sur la carpette de papier sablé adjacente aux étendues émeraude.
Pour les déplacements par contre, ça, j’adopterais bien. Après l’élasticité brésilienne en tête de liste des caractéristiques propres à ce peuple chaleureux mais pas très fiable, vient l’agilité brésilienne.
Se déplacer au Brésil nécessite une agilité toute particulière, un pré-requis plutôt ludique que vous avez tout avantage à maîtriser rapidement si votre survie piétonnière vous importe. C’est un jeu que je me surprends à vouloir jouer. Et plus les jours avancent, plus l’on s’éloigne de l’imitation. On devient une incarnation naturelle de cette agilité. On développe une inconscience active (on pourrait rajouter le devenir brésilien aux théories deleuziennes, qu’en dites-vous M.Poulin).
On alterne, un pied sur le trottoir, un pied dans la rue, tellement les trottoirs sont étroits et semblent contenir les 3 millions d’habitants de Salvador sur un fil de fer.
Et au moment où vous avez réussi à faire votre chemin en parant au coup, à la manière d’un ginga urbain, une voiture vous klaxonne. Vous empiétez sur sa piste de course.
« Relax man » qu’on a envie de lui dire.
Mais on opte pour une alternative issue des mœurs brésiliennes. On lui envoie notre plus beau "thumbs up" et tout bêtement, il se métamorphose en chauffeur-peluche.
Et si en prime, on récite 10 je vous salue Marie ce même soir, alors là, on est absous de tous nos péchés.

lundi 4 avril 2011

Par un après-midi ensoleillé

Rare que je partage des tranches de vie sur ce blogue
Mais ce matin, je me fais plaisir.
L'idée est née hier.
Ken et moi avions décidé d'honorer cette douce journée en plein air.
Force est de croire que le beau temps nous inspira, car de fil en aiguille, nous en sommes arrivés à la composition d'une toute petite chanson, inspirée du moment.
Comme une dose de bonheur que nous voulions insuffler à nos êtres chers.
Certains d'entre vous ont eu droit à une prestation "live" au téléphone.
Pour les autres, la voici

jeudi 31 mars 2011

Réflexions sur le péché, la souffrance, l'espérance et le vrai chemin

Sur recommandation d’un ami, j’ai ajouté à mes modestes rayons littéraires une œuvre de Kafka, souvent oubliée, négligée, ou tout simplement non-citée lorsque vient le temps d’aborder le grand Franz sur les bancs d’école. Pourquoi ? Probablement parce qu’il appartient à cette catégorie de livres qualifiée de recueil, de compilation, pour dire plus contemporain et juvénile. Des écrits inspirés et issus de sombres moments d’illuminations qui à la manière des idées qui frappent notre esprit de manière brève et précise, se doivent d’être mises sur papier au moment où elles émergent… car il est fort à parier qu’elles ne rejailliront pas. Des étoiles filantes.

C’est donc à la lecture de pages étoilées que Kafka nous convie. De courts textes, pas plus de quelques lignes, des pensées qui ressemblent à des pierres que l’on poserait au sol pour tracer son chemin, ou le retrouver si l’on s’en écarte. Les pages invitent à une lecture parcimonieuse, à petites doses, suscitant plutôt la retenue contemplative que la gourmandise. Il m’est arrivée à plusieurs reprises de volontairement laissé passer quelques wagons de métro au temps où je lisais ce livre, simplement pour accueillir la réflexion, la laisser prendre toute la place, intellectuellement et physiquement, dans l’immobilité.

Remercions son ami et éditeur Max Brod d’avoir fait fi des dernières instructions de Kafka, qui avait explicitement demandé à ce que tous ses écrits non-publiés (notamment ceux-ci) ne le soient jamais. Il ne voulait pas en faire offrande à la littérature, voulait qu’ils soient brûlés. Pour ceux qui l’ignoreraient, Kafka était un homme complexe qui jetait un regard plus que sévère sur son œuvre. Difficile pour nous aujourd’hui de le comprendre tant il est une figure marquante de la littérature. Et c’est tout justement sur cet angle que la préface porte un regard.

« Le grand théâtre Kafka, le succès de sa littérature n’existerait pas sans ses sombres coulisses, tous ces petits cahiers où l’homme aux yeux profonds, avec les moyens du bord, trois fois rien, lui-même, bricolait chaque jour ces étonnantes créatures qu’il allait lancer sur la piste, en pleine lumière. C’est là qu’il reste, lui, avec ses grands tourments d’âme dans sa pénombre; il y règne, seul à jamais. Ne faisons pas mine de le comprendre. Nous, le néant n’est pas notre élément. Tâchons déjà de le lire, avec admiration et gratitude. »

C'est donc ce que j'ai fait avec humilité

dimanche 20 mars 2011

Comic Life



Pour ceux qui, tout comme moi, n'ont aucun talent en dessin...

Mais qui se débrouillent pas mal avec un 35mm, voici l'occasion venue de transformer vos photos en BD...

Et de perdre une soirée à "bizouner" dans un nouveau logiciel...


Perdre est un bien grand mot

Plaisir coupable, je me suis bien amusée









Bon...
Je sais que t'as pas accepté que je me serve de ta tronche sur mon blog, mais je suis certaine que tu m'en voudras pas trop ;o)




samedi 19 mars 2011

Un loup aux mille facettes


Une installation qui me parle beaucoup
Un loup à 6 pattes
Recouvert de petits bouts de miroirs inégaux
Laissant sur son passage une traînée de peaux de loups

Artiste ?
Lieu d'exposition ?
Interprétation ?

Je ne vous dis rien... du moins pas tout de suite
Je veux vous entendre
Ça vous touche, vous intrigue, ça évoque, ça provoque une réaction ?

Dites-moi

dimanche 6 mars 2011

Autarky is dead

Seth Godin l'applique au milieu des affaires.
Je crois qu'il est encore plus urgent d'en prendre conscience au niveau social.

" Self sufficiency appears to be a worthy goal.
But it's now impossible if you want to actually get anything done.
All our productivity, leverage and insight comes from being part of a community.
Not apart from it.
The goal is to figure out how to become more dependent, not less "

- Seth Godin -

dimanche 27 février 2011

Diego Piccinni da Todi & Sylvain Bouthillette


Ce n'est qu'après avoir passé un bon moment devant ces deux oeuvres, situées dans deux galeries différentes, sur deux étages distincts du Belgo, que j'ai réalisé que sous leur apparente dissociation formelle, se trouvaient en fait deux oeuvres intimement liées dans leur propos.

Diego Piccini da Todi présente la série Incarnation II qui traite de la mutation humaine que provoque les principaux types de pollution. Accrochées au mur, de grandes plaques de verres sur lesquelles sont imprimées des corps, vêtus de leurs maux respectifs.

Pollution naturelle, technologique, sociale et mentale

Les 3 premières mises en scène (naturelle, technologique et sociale) nécessitent un mouvement vers l'extérieur pour désamorcer la mutation. Ce qui n'est pas le cas de la quatrième. L'incarnation de la pollution mentale se présente différemment, unique dans son propos et contradictoire dans son mouvement, par rapport aux 3 premiers. Elle nécessite une introspection, un changement qui s'opère de l'intérieur, sans égard aux influences externes. En fait, faisant précisément fi de l'extérieur et des pulsions injectées. C'est le tableau le plus immanent de tous, le seul à connotation spirituelle.

Un texte accompagne chacune des mutations... celui de la pollution mentale résonne, du moins chez-moi, aujourd'hui, maintenant.

"... Combien d'entre vous se laissent sculpter quotidiennement par l'angoisse et le doute, alors qu'un simple lâcher prise suffirait pour vous rendre compte de l'immensité de votre esprit naturel au repos..."

À son tour, Sylvain Bouthillette aborde un thème similaire, mais livre ses préoccupations plus crûment. Il soutient que la spiritualité se pratique les mains sales, au coeur de la vie. On comprend la pertinence du tigre, minutieusement travaillé, qui rugit, qui semble vouloir s'acquitter de la toile pour nous sauter au visage. C'est agressif, c'est trash. C'est en opposition avec le message qu'il porte, des mots empreints de cette dimension spirituelle qui parsème le travail de l'artiste.

"Laissez tomber la tête dans le coeur, le coeur dans le ventre et remontez le ventre dans la tête"

Nous gagnerions tous à pouvoir jouer hors de notre zone de confort, à être confortable dans l'inconfort, à accepter le bouleversement, l'inattendu, l'anodin qui devient révélateur, le laid qui se révèle beau. Là réside la véritable évolution.

Un dernier fait retient mon attention.
Les deux artistes sont bouddhistes...
Pour quiconque a l'oeil avisé et le coeur exercé, ça se sent.




jeudi 17 février 2011

Kali Yuga, l'âge de fer

Selon la cosmogonie hindoue, nous vivons actuellement dans le quatrième et dernier âge du cycle des Yugas. L’espace-temps le plus court, qui contrairement aux 3 Yugas précédents se définit par une souffrance incessante où l’on assiste à l’émergence de tous les vices et à la dégénérescence spirituelle.

Plus aucune attention n'est portée au dharma.
Des 4 piliers qui normalement le soutiennent, il n'en subsiste qu'un : la vérité
Elle se tient là, béate devant nous, sans espoir de fuite ou de métamorphose, portée au grand jour dans toute sa laideur.

Nous vivons dans le Kali Yuga, l'âge de fer, celui qui s'effrite de tout son sens, qui n'a plus l'essence pour recouvrir les plaies ouvertes.

J’ai eu la chance d’assister à un magnifique satsang samedi soir dernier, dans le décor pur et paisible de l’ashram de Val-David.

Pourquoi chantons-nous à l’occasion d’un satsang ?

C'est la tradition. On chante, car on croit.
Mais qu'arrive-t-il lorsque les mots n'ont aucune signification pour nous ?
Qu'il s'agisse de la barrière linguistique ou du doute face à ces croyances, à cette philosophie ?

Pourquoi les chantons-nous tout de même avec autant de conviction ?

Simplement parce que ces mots, que nous entonnons avec un peu plus d'ardeur à chaque refrain qui inlassablement se répète, c'est une énergie brute, notre énergie, notre voix qui fonce de plein fouet dans la résistance de ce monde.

dimanche 6 février 2011

Sur l'écriture

Étrange et mystérieuse consolation que donne l'écriture, dangereuse peut-être, peut-être salvatrice : elle permet d'échapper à la mortelle alternance action-observation, action-observation, en créant une forme supérieure d'observation, une observation non point plus précise, mais faite de plus haut ; et plus elle devient inaccessible à l'alternance, plus aussi elle suit les lois de son propre mouvement, plus sa route devient imprévisible et joyeuse, plus elle s'élève.

- Kafka-

lundi 31 janvier 2011

Club Social


Incursion couleur café dans le mile-end cet après-midi. Je me dirige vers le club social, a worth-while alternative, dit-on, lorsqu'Olimpico est bondé. J'entre. Une seule table est libre, petite, à mi-chemin entre l'entrée et le fond de la salle, dans le noyau de vacarme. Exactement ce que je cherche. Je m'assois. Je suis traversée d'un frisson de bonheur. J'ai retrouvé la foi... la foi en ces dimanches qu'on laisse aller à la dérive. Ceux que l'on aime pour leur attitude incertaine et leur désinvolture panique à l'idée qu'il ne reste qu'une journée pour prendre le plaisir par la main.

Au club social, on y retrouve une faune hétéroclite.

Les vieilles âmes y fréquentent les trios familiaux, papa, maman, fiston, qui ont troqué le BigMac, la frite et le coke pour la richesse de la vie de quartier et de ses cafés. Les meilleures places, ce sont les vieux qui les ont décrochées. Prêt de la fenêtre, là où le soleil fait son oeuvre et où les tables en bois défraîchi sont larges et accueillantes. Ils y sont nombreux, attablés depuis bonne lurette, faisant virevolter les cartes à grand coup de main. Pique, coeur, carreau, trèfle, sans atout, craquelée, noircie et... brutale au son de la victoire. Un double-sens. La main est à la fois l'amorce et la finalité aux cartes. Le véhicule de l'espoir et l'assemblage qui fait tomber le jugement. Une main qui construit une main. Ironique que d'avoir donné le même nom au créateur et à sa création.

Au club social, on y parle gras.

On se connaît et se salue fort, à s'en époumoner. Ça fait partie du jeu, celui de la familiarité avec un grand F. On sert les cafés avec amour et spontanéité, d'un geste machinal et élégant, avec la torsion du poignet propre à celui qui connaît par coeur le doigté requis pour exceller dans l'art de concocter un café. Kleist (que je commence à découvrir) soutient que les idées viennent en parlant. Et bien je dis que les idées viennent en observant, aussi. Stashez-vous dans un café, observez et vous en ressortirez non seulement avec l'arôme du meilleur espresso en ville emprisonné dans vos cavités nasales, mais avec des idées insoupçonnées avec lesquelles jongler.

Après-midi utile ou futile ? À vous d'en juger, il n'y a qu'une lettre de différence.


vendredi 14 janvier 2011

The Domino Project

The publishing world is archaic, hasn't evolved in decades.

Taking a closer look at the industry brings us to see that all in all, authors are writing with a sword of damocles above their heads, hoping to be published, losing sight of who their true customer is. Authors write for publishers nowadays, and for best-seller lists. But what if this intermediate no longer existed or was reduced to a less predominant role? What if you could spread your ideas by having a more direct and personal bound with your readers, getting its feedback, benefiting from word-of-mouth? What if you did not have to give up important parts of your work simply because it might not sell?

The domino project is all about this new philosophy, seeking for publishing models of the future and malleable pricing structure. As early as this spring, Seth Godin will launch a new publishing platform powered by Amazon.

To keep you updated on the project

mercredi 12 janvier 2011

Carnaval déluré

On sous-estime la force des images virtuelles
Troublant ce court métrage
Le bossu de Notre-Dame rencontre l'hydre de Lerne, version carnavalesque

Merci Seb... s.t.p. essaie de garder les frais d'abonnement accessibles ;o)